La détection de radar et la société de communication

La détection de radar et la société de communication

En 2011, une polémique est née concernant la volonté affichée par le gouvernement de supprimer les appareils qui détectent les radars. Quelques sueurs froides plus tard, l’exécutif a fini par revoir sa copie en adoptant un curieux compromis : les appareils qui localisent les radars sont interdits sauf s’ils n’en portent pas le nom et si l’appareil n’avertit plus de la présence de radars mais seulement de zones dangereuses.

Le système est hypocrite, nous le savons tous, mais il semblait résulter d’un équilibre entre les forces en présence, équilibre qui a trouvé sa traduction dans le décret du 3 janvier 2012 qui ajouta un alinéa à l’article R413-15 du Code de la route ainsi rédigé : « Les dispositions du présent article sont également applicables aux dispositifs ou produits visant à avertir ou informer de la localisation d’appareils, instruments ou systèmes servant à la constatation des infractions à la législation ou à la réglementation de la circulation routière ».

Le texte est ambigu et a fait craindre à certains – la suite va leur donner raison – un risque d’atteinte à la liberté fondamentale de communiquer. Le décret a donc été soumis au Conseil d’Etat qui, dans un arrêt du 6 mars 2013, va se livrer à une interprétation où tout est dans la nuance. Ainsi, la haute juridiction décide que « l’article R413-15 du code de la route ne prohibe pas le fait d’avertir ou d’informer de la localisation d’appareils, instruments ou système servant à la constatation des infractions à la législation ou à la règlementation de la circulation mais uniquement la détention, le transport et l’usage des dispositifs et produits ayant spécifiquement cette fonction ». Heureusement, l’appareil que vous possédez dans votre véhicule n’a pas  « spécifiquement », exclusivement pourrait-on dire, la fonction de déceler la présence de radars ; il a bien d’autres fonctions grâce auxquelles vous payez en toute légalité votre abonnement ou grâce auxquelles vous pouvez télécharger sur votre smartphone un logiciel d’aide à la conduite.

Sauf que dans un coin de France aussi charmant que désertique, un Procureur de la République a récemment eu l’idée de rompre cet équilibre fragile et de poursuivre des membres d’une communauté sur Facebook dont la page « te dit où est la police en Aveyron ». Outre la qualité des débats et les poursuites pour outrages qui ne nous intéressent pas ici, la question est de savoir si l’existence, sur internet, d’un blog destiné à informer les internautes de l’existence de radars constitue une « soustraction à la constatation des infractions routières » à supposer que l’on puisse résumer le blog litigieux à ce seul objectif, ce qui est en soi déjà contestable. En d’autres termes, le seul fait d’échanger des informations et d’informer des internautes sur la présence de radars ou de gendarmes au bord des routes est-il punissable ? Le Tribunal correctionnel de Rodez n’a pas encore tranché, le jugement sera rendu le 3 décembre prochain mais nous voulons croire que ces poursuites ne tiennent pas la route. En effet, la Loi, nous dit le Conseil d’Etat, ne punit pas le simple fait d’échanger via internet des informations à des internautes ou entre les membres d’une communauté, mais le fait de détenir, de transporter ou d’user de détecteurs. Facebook ou n’importe quel réseau social ne peut être assimilé à un tel appareil au sens de la loi qui est d’interprétation stricte. Autrement, les panneaux de signalisation des radars que l’on retrouve au bord des routes tomberaient eux aussi sous le coup de la loi pénale car leur vocation n’est-elle pas d’avertir de la présence d’un radar fixe ? Le comble pour une société de communication serait d’interdire l’échange d’informations sauf à refuser de vivre avec son temps. On n’est pas responsable d‘un accident de la circulation lorsqu’on est chez soi confortablement installé derrière l’écran de son ordinateur. Il y a des évidences qu’il vaut parfois mieux rappeler …