LE SCANDALE DES FRAIS DE FOURRIERE JUDICIAIRE
C’est un phénomène que tous les spécialistes du contentieux routier ont pu observer : les mises en fourrière de véhicules autorisées à titre préventif par le procureur de la République sont de plus en plus nombreuses.
Manifestement, lorsque certaines infractions sont concernées, les procureurs ont pour instruction de confisquer provisoirement les véhicules, après immobilisation, avant même que le juge pénal compétent (le procureur n’est pas le juge) ne soit saisi. Le problème est que lorsque le juge décide de restituer le véhicule à son propriétaire, ce dernier subira, de fait, une triple peine.
D’abord, la peine qu’infligera le tribunal en cas de condamnation : emprisonnement (avec ou sans sursis), amende, suspension ou annulation du permis de conduire. Ensuite, le retrait des points sur le permis de conduire, retrait qui est de la compétence non pas du tribunal mais du ministère de l’intérieur (ce n’est pas une peine nous explique-t-on). Enfin, les frais de fourrière.
De quoi y laisser un ou plusieurs mois de salaire et c’est là l’objet du scandale. En effet, le temps que le dossier soit appelé à l’audience, ces frais auront eu le temps d’atteindre des sommets. Les frais de gardiennage peuvent parfois courir pendant six mois, un an et au-delà. Lorsque la juridiction ordonne la restitution du véhicule hâtivement saisi, elle tient compte en réalité du prix du véhicule, souvent acheté à crédit. Le juge cherche un équilibre là où les préfets et les procureurs cherchent l’efficacité ou à plaire à leur hiérarchie.
Pour éviter que les frais de gardiennage journaliers atteignent des montants délirants, la solution au problème est théoriquement contenue dans l’article R325-27 du code de la route. Cet article prévoit que l’intéressé peut contester la mise en fourrière auprès du procureur de la République. L’autorité saisie doit alors répondre dans un délai de 5 jours ouvrables ; ce délai très bref ayant été institué pour tenir compte des frais journaliers de gardiennage. Sauf qu’en pratique, très souvent, personne ne répond, encore moins dans le délai imparti. Et aucun recours n’est prévu en l’absence de réponse…
Les frais de fourrière vont donc pouvoir continuer de grossir allègrement un peu plus tous les jours jusqu’à ce qu’un juge statue. Le scandale dans le scandale est que ces saisies intempestives coûtent cher à la collectivité. En effet, lorsque le gardiennage s’éternise, c’est généralement l’Etat qui avance le paiement. Ainsi, la société qui exploite la fourrière a la garantie d’être payée et grassement payée. Il appartient alors à l’Etat de se retourner contre le justiciable. Ce qui veut dire que lorsque le propriétaire du véhicule est insolvable, il ne pourra pas recouvrer sa créance.
Il en va de même en cas de décision de relaxe. En vérité, les confiscations préventives n’ont pas lieu d’être car le procureur ne peut connaître à l’avance ce que sera la décision du tribunal. Il s’agit donc d’une mauvaise administrative de la justice. Un bel exemple de ce qu’une politique pénale excessive peut contenir d’absurde car au bout du compte, tout le monde est perdant : le justiciable, la justice et la collectivité, sans que la sécurité routière n’en retire un quelconque bénéfice.