Permis de conduire : La perpétuité plutôt que l’Europe ?

Permis de conduire : La perpétuité plutôt que l'Europe ?

Permis de conduire : La perpétuité plutôt que l’Europe ?

On sait que le permis de conduire européen n’existe pas. Il est cependant possible d’échanger un permis de conduire français comme un permis délivré par l’un des pays de l’Union Européenne, à certaines conditions tenant notamment au lieu de résidence.

C’est le sens de la directive du 29 juillet 1991, modifiée en 2006, qui rappelle le principe selon lequel « les permis de conduire délivrés par les Etats membres sont mutuellement reconnus ». En ce domaine comme dans d’autres, le permis (à points) français doit s’adapter à la réalité européenne et à la concurrence des autres Etats membres dont les législations sont parfois plus favorables à l’automobiliste. Songez par exemple que la Belgique, les Pays-Bas et la Suède n’ont pas encore instauré le système du permis à points dans leur droit !

Dans un tel patchwork de droits différents, certains automobilistes sont tentés par l’échange de leur permis de conduire français contre un permis de conduire étranger… Surtout lorsque leur permis français a été annulé ou et en passe de l’être. Tant que le permis de conduire français est valide, l’échange est possible. Mais que se passe-t-il lorsque le permis de conduire a été annulé ?

Il existe deux types d’annulation du permis de conduire : l’annulation administrative pour solde de points nul prononcée par le ministère de l’intérieur (on parle alors d’invalidation du permis de conduire) et l’annulation judiciaire qui peut être prononcée par le juge pénal à la suite de certaines infractions au Code de la route. On sait que l’invalidation du permis de conduire pour solde de points nul ne permet pas de solliciter un permis de conduire étranger car, en quelque sorte, on n’échange pas un produit périmé contre un produit neuf. Il faut donc procéder à l’échange avant qu’il ne soit trop tard.

Plus intéressante est la situation de l’annulation judiciaire.

La Cour de cassation a sur cette question une position contestable. Ainsi, dans un récent arrêt du 22 octobre 2013, notre plus haute juridiction a une nouvelle fois jugé que « l’annulation d’un permis de conduire français entraîne nécessairement l’interdiction du droit de conduire sur le territoire national, quand bien même le prévenu serait titulaire d’un permis délivré par un autre Etat membre de l’Union européenne ».

Les faits à l’origine de cette affaire sont intéressants : Monsieur X dispose d’un permis de conduire Italien valide depuis 1997. Le 3 septembre 2001, son permis de conduire français est annulé par une juridiction pénale qui assortit sa décision de l’interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau titre pendant deux ans. Le 19 janvier 2010, à la suite de l’interception de son véhicule pour une raison inconnue, Monsieur X fait l’objet d’une verbalisation pour conduite d’un véhicule sans permis. Devant le Tribunal correctionnel, il fait valoir qu’il possède un permis de conduire italien valide obtenu sans fraude en 1997, qu’il n’était plus sous le coup d’une quelconque interdiction au moment de son interpellation et que le principe de reconnaissance mutuelle des permis de conduire européens fait obstacle à la constitution du délit.

Malgré la force de ces arguments, la Cour de cassation n’a rien voulu entendre. Elle considère donc, à l’inverse de ce que décide la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), que toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui a vu son permis de conduire, français ou européen, annulé en France, doit se soumettre aux épreuves françaises si elle veut retrouver un jour le droit de conduire dans notre beau pays. Si vous ne vous y soumettez pas, alors vous êtes condamné, à perpétuité, à ne plus pouvoir conduire sur le territoire français. Jusqu’à ce que la France soit, une fois de plus, rappelée à l’ordre par l’Europe dès lors qu’en ce domaine comme dans d’autres notre droit apparaît incompatible avec les directives et principes de l’Union Européenne.