Création d’un fichier recensant les personnes qui contestent les PV

Création d'un fichier recensant les personnes qui contestent les PV

Le Monde.fr |  • Mis à jour le 

Dans la jungle des fichiers, voici un petit nouveau. ARES, pour « automatisation du registre des entrées et sorties des recours en matière de contravention ». Créé par un arrêté du ministère de l’intérieur le 20 février et publié au Journal officiel le 16 mars 2012, le fichier recensera les données des personnes amenées à contesterune contravention de classe 1, 2, 3 ou 4, révèle Le Parisien.

Le nom, l’adresse, la date et le lieu de naissance du propriétaire du véhicule et, le cas échéant, de l’auteur des faits seront conservées pendant cinq ans. Des données relatives à la profession ainsi qu’à l’identification du véhicule seront aussi collectées. Dans un premier temps, ce fichier concernera Paris, ainsi que les départements de Seine-Saint-Denis, des Hauts-de-Seine et du Val-de-Marne. Il sera ensuite étendu à la France entière. Selon l’arrêté du ministère de l’intérieur, l’objectif de ce fichier est de « produire des statistiques ».

« Un fichier obscur », rétorque l’avocat Jean-Charles Teissedre, membre fondateur de l’Automobile club des avocats (ACA). « Tout ça parce que, soi-disant, il permettrait de faire des statistiques pour optimiser le traitement des recours », explique-t-il au Monde.fr. « Beaucoup de gens n’oseront pas exercer leur droit, parce qu’ils ne voudront pas se retrouver dans ce fichier », prévoit l’avocat. Et de déplorer : « On n’aura jamais trouvé de critères aussi larges pour ficher la population française. »

UN « OUTIL ADMINISTRATIF » SELON LA PRÉFECTURE

En outre, explique-t-il, « on nous dit qu’il ne s’agit pas d’un fichier policier, mais c’est bien la préfecture de police qui va traiter ces données. Or, les fichiers sont par nature faits pour être croisés. » Enfin, comme le note M. Teissedre, la personne fichée ne pourra pas faire valoir son droit d’opposition (l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 prévoit que toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement). Des accusations dont se défend la préfecture de police, qui assure qu’il s’agit d’un « outil administratif » pour mieux répondre aux très nombreuses réclamations.

Xavier Castaing, porte-parole de la préfecture de police de Paris, précise au Monde.fr qu’il s’agit de « données basiques sur l’état civil, et en aucun cas d’un fichier d’antécédents judiciaires ». Il ajoute que cet outil concerne pour l’instant les 700 000 recours parisiens annuels, sans pouvoir indiquer de calendrier plus précis quant à son extension au territoire national. Le fichier constitue notamment un gain d’efficacité pour l’administration, qui pourra par exemple traiter les recours dans de meilleurs délais, et ainsi éviter que des avocats mettent en avant des vices de procédures.

Le fichier ARES a par ailleurs été validé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Dans l’avis favorable qu’elle a rendu en mars 2011, la CNIL prend note qu’il ne s’agit pas d’un « fichier d’antécédents judiciaires en matière contraventionnelle, et qu’il ne sera pas utilisé comme tel ». Elle précise ainsi que « les accès au traitement seront restreints par des profils établis en fonction des attributions et compétences, notamment territoriales, de ces fonctionnaires ». La commission ajoute que l’arrêté prévoit « une traçabilité complète des actions de création, modification, suppression et consultation. »

Un avis favorable « décevant », selon Jean-Charles Teissedre, qui précise que « la création de fichiers doit correspondre à des nécessités impérieuses qui ne sont pas réunies ici. Qu’on crée des fichiers pour des gens dangereux, c’est une chose. Mais il ne faut pas se tromper. » L’Automobile club des avocats, ajoute-t-il, étudie les possibilités de faire un recours contre ce nouveau fichier.

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