Alcool : doit-on tout dire à son assureur?
La plupart des automobilistes ne déclarent pas tous les évènements qui concernent la chose assurée à leur assureur.
Pourtant, l’article L113-2 du Code des assurances, reproduit ou reformulé dans toutes les conditions générales des contrats d’assurances, énonce que « L’assuré est obligé : (…) 2° De répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge ; 3° De déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur, notamment dans le formulaire mentionné au 2° ci-dessus. L’assuré doit, par lettre recommandée, déclarer ces circonstances à l’assureur dans un délai de quinze jours à partir du moment où il en a eu connaissance ; ».
En cas d’irrespect, cette obligation est assortie de terribles conséquences.
En effet, l’article L113-8 du Code des assurances dispose : « Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l’article L. 132-26, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre.
Ainsi, non seulement le contrat d’assurance est considéré comme nul et non avenu mais de surcroît la loi précise que « Les primes payées demeurent alors acquises à l’assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts(…).»
Pire encore, si une indemnité à été versée sans que l’assureur ait été préalablement informé d’un évènement qui a pu affecter la vie du contrat avant la déclaration du sinistre, l’assureur pourra exercer contre l’assuré une action récursoire en remboursement de l’indemnité indument octroyée.
Or, comment savoir quelles circonstances sont susceptibles d’aggraver les risques ou d’en créer de nouveaux ?
Prenons à titre d’exemple un cas d’espèce fort intéressant.
Le 5 avril 2009, M.X a fait l’objet d’un contrôle positif à un test d’alcoolémie.
M.X n’a rien déclaré à son assureur sur cette situation qui n’a entraîné aucun dommage, qu’il soit matériel ou corporel.
Sauf que le 8 avril 2010, M.X se trouve impliqué dans un accident de la circulation avec une conduite sous l’empire d’un état alcoolique causant des blessures involontaires à des tiers et des dégâts matériels dont il s’avère responsable.
Son assureur refuse alors de garantir M.X en considérant que le contrat d’assurance souscrit par M.X devait être considéré comme nul dès lors que suite à l’infraction du 5 avril 2009, M.X n’avait procédé à aucune déclaration, et ce contrairement aux dispositions contractuelles et légales.
Dans ce cas d’espèce, par un récent arrêt du 9 septembre 2014, la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé qu’en l’absence d’accident, de sinistre matériel ou corporel et en l’absence de condamnation par un Tribunal, l’assuré pouvait, en toute bonne foi, ne pas savoir qu’il était tenu d’informer l’assureur du contrôle d’alcoolémie auquel il a été soumis et pour lequel il sera vraisemblablement condamné postérieurement à l’accident.
La raison de cette indulgence : l’imprécision de la clause du contrat, et donc de la loi, et le profil du l’assuré considéré comme moyennement averti (certainement faute d’être un lecteur assidu de ce blog).
Il s’agit donc là d’une décision très favorable à l’assuré mais dont il n’est pas certain qu’elle constitue le droit en la matière.
Il est vrai que les enjeux sont importants : l’automobiliste doit-il informer l’assureur de chacune des infractions qu’il commet ? Qui le fait ? Après tout, toutes les infractions relatives à la conduite d’un véhicule ne sont-elles pas susceptibles de changer l’appréciation du risque ?
C’est sans doute pour tenir compte des dérives possibles et afin d’éviter l’annulation systématique des contrats d’assurance que la Cour de cassation a tempéré de la sorte les obligations de l’assuré.
Car force est de constater que les clauses des contrats d’assurance sont souvent imprécises s’agissant de ce type d’évènement, dans lequel on peut également ranger la conduite sous l’influence de stupéfiants.
Mais ces imprécisions dureront-elles encore longtemps ?