Comment contrer les clauses défavorables l’assuré : opposabilité des déchéances et des exclusions de garantie

Comment contrer les clauses défavorables l'assuré : opposabilité des déchéances et des exclusions de garantie

Saviez-vous que les déchéances et exclusions de garantie prévues au contrat ne vous sont pas toujours opposables ?

Vous avez souscrit un contrat d’assurance, vous payez vos primes d’assurance depuis un temps plus ou moins long, un sinistre est survenu, vous l’avez régulièrement déclaré, et pourtant, votre compagnie d’assurance ne veut pas couvrir le risque ? Une clause du contrat ou une déchéance est mise en avant par l’assureur pour échapper à sa responsabilité contractuelle ?
Rien n’est perdu. En effet, nous allons voir qu’il ne suffit pas qu’une clause soit licite pour qu’elle vous soit opposable.
D’abord, l’article L.113-1 du Code des assurances dispose que « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
Ainsi, pour pouvoir être valablement invoquées par l’assureur à la suite d’un sinistre, les clauses exclusives de garantie doivent remplir plusieurs conditions de pure forme sous peine d’être inopérante :
– Ces clauses doivent figurer en caractères très apparents au sein de votre police d’assurance ;

– Ces clauses d’exclusion doivent être formelles et limitées, ce qui signifie qu’aucun doute ne doit pouvoir subsister quant à son caractère exclusif et l’assuré doit savoir exactement et précisément les aspects du risque qui ne sont pas assurés, ce qui interdit donc les clauses exclusives ou limitatives de garantie formulées en termes trop généraux. Ainsi, une clause sujette à interprétation ne peut être considérée comme formelle et limitée, et ne vous sera donc pas opposable (Civ. 1ère, 22 mai 2001). Cela peut notamment concerner les clauses relatives à l’alcool ou aux stupéfiants (voir sur ce point la rubrique consacrée à l’alcool et aux stupéfiants).

Ensuite, l’assuré est le consommateur d’un produit d’assurance et le législateur a souhaité lui faire bénéficier de règles protectrices similaires à celles que l’on retrouve dans le Code de la consommation.

« il ne suffit pas qu’une clause soit licite pour qu’elle vous soit opposable »

Ces règles mettent notamment l’accent sur l’information de l’assuré. Faute pour l’assureur de les avoir respectées toutes, l’assuré pourra ensuite s’en servir pour demander à ce que certaines clauses qui lui sont défavorables lui soient déclarées inopposables. Elles ne pourront alors pas produire leurs effets.
Ainsi, avant la conclusion du contrat, l’assureur doit vous remettre un exemplaire du projet de contrat et ses pièces annexes ou une notice d’information sur le contrat décrivant avec précision les garanties auxquelles vous aurez droit, ainsi que les exclusions prévues, et l’étendue de vos obligations. Les prix, ou fourchette de prix, et garanties doivent être mentionnés au sein de ces documents.
Conformément au droit commun de la preuve, il incombe donc concrètement à l’assureur de prouver que les conditions de la garantie ont bien été portées à votre connaissance et que les documents prévus à l’article L.112-2 du Code des assurances vous ont bien été remis. C’est la raison pour laquelle l’article R.112-3 du Code des assurances dispose que « la remise des documents visés au deuxième alinéa de l’article L. 112-2 est constatée par une mention signée et datée par le souscripteur apposée au bas de la police, par laquelle celui-ci reconnaît avoir reçu au préalable ces documents et précisant leur nature et la date de leur remise ».
En effet, c’est la police d’assurance qui recèle la portée de l’engagement des parties. Ce terme désigne l’ensemble des documents remis par l’assureur au souscripteur et dont les stipulations constatent leurs engagements réciproques. Généralement, la police se présente sous la forme de conditions générales et de conditions particulières. Les premières décrivent les données primaires de la garantie délivrée par l’assureur pour un type de risque ou un ensemble de risques donnés. Les secondes permettent d’individualiser la garantie d’assurance en fonction de chaque assuré : renseignements spécifiques à l’assuré, clauses précisant l’étendue de la garantie. Dans ce cas, tous les documents doivent être communiqués au souscripteur.
Or, c’est ici que le bas blesse.
Il arrive très souvent que l’assuré n’ait jamais eu en sa possession ces documents essentiels. Cela cause un véritable préjudice à l’assuré puisque ce sont souvent dans les conditions générales que l’on trouve les chausse-trappes qui vous seront opposées après la déclaration de sinistre.
Tout est donc ici affaire de preuve et la charge de la preuve incombe à l’assureur comme l’a encore récemment rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 6 octobre 2011 dans lequel la juridiction suprême relève que « l’assuré n’avait pas signé la deuxième page des conditions particulières qui seule renvoyait aux conditions générales, et que l’assureur n’établissait pas avoir porté à la connaissance de ce dernier la clause d’exclusion de garantie avant la survenance du sinistre ». Dans ce même arrêt, la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel « une clause de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l’assuré au moment de son adhésion à la police ou, à défaut, antérieurement à la réalisation du sinistre pour lui être opposable ».
Nos juges sont donc exigeants envers les assureurs concernant l’information de l’assuré et la preuve de la délivrance de cette information. Aussi ne faut-il pas accepter comme une évidence ce que l’on vous oppose et ne pas foncer billet en tête dans un débat de fond relatif à la garantie. Sur la forme, l’assuré peut avoir beaucoup à gagner en demandant à se faire communiquer ce qu’il est censé avoir signé et accepté. En effet, l’assureur pourra se montrer incapable de rapporter la preuve que les documents vous ont bien été transmis. Et les clauses de renvoi vers les conditions générales que l’on retrouve souvent dans la police, si elles sont valables, ne sont pas nécessairement suffisantes pour vous rendre opposable une clause exclusive de garantie. Ce conseil vaut bien entendu pour les contrats d’assurance automobile mais il vaut aussi pour tous les contrats d’assurance quel que soit le risque couvert.

« Sur la forme, l’assuré peut avoir beaucoup à gagner en demandant à se faire communiquer ce qu’il est censé avoir signé et accepté »

La jurisprudence a étendu les obligations du professionnel de l’assurance sur le terrain de l’obligation d’information et de conseil quant au contenu de la garantie. Il ne s’agit alors plus de preuve mais d’engager la responsabilité du mauvais conseil. Ainsi, si l’assurance parvient à vous opposer une clause du contrat qui vous est défavorable, vous pourrez tenter de placer le débat sur le manquement à l’obligation d’information et de conseil en mettant en avant que vous n’êtes qu’un profane qui ignore tout des mécanismes complexes de l’assurance. Cette obligation d’information et de conseil concerne aussi l’agent général, c’est-à-dire la personne qui vous a « vendu » le contrat. Il s’agit d’un professionnel indépendant qui représente l’assureur et dont le rôle n’est pas exclusivement commercial. Il est censé vous conseiller au plus près de vos besoins et attirer votre attention sur les limites et exclusions de garantie (parmi quelques exemples voir notamment Cass. 2e civ. 25 février 2010 et 11 janvier 2007). Le devoir d’information et de conseil de l’agent d’assurance ne s’achève donc pas lors de la souscription du contrat (en ce sens Cass. 2e Civ., 5 juillet 2005, n° 04-10.273). De même, lorsqu’une police d’assurance remplace celle précédemment conclue avec le même assureur et que disparaît une garantie antérieurement acquise, l’agent doit attirer l’attention de l’assuré sur cette réduction de garantie dans le nouveau contrat (le contrat renouvelé chaque année est un nouveau contrat), sauf à manquer à son devoir d’information et de conseil (voir en ce sens notamment, Cass. 2e civ. 8 mars 2006).

« ce sont souvent dans les conditions générales que l’on trouve les chausse-trappes qui vous seront opposées après la déclaration de sinistre »

En cas de litige, il est donc important de ne pas se contenter de demander à l’assureur la communication de la police d’assurance, notamment les conditions générales, en vigueur au moment de la déclaration du sinistre, mais de demander également les conditions générales applicables depuis la signature du premier contrat afin de pouvoir effectuer un travail de vérification sur d’éventuelles modifications défavorables à l’assuré. Ces modifications pourraient alors vous être inopposables. A défaut, la responsabilité de l’agent général devra être étudiée.