La déclaration de sinistre par l’assuré : votre garantie en dépend
La déclaration de sinistre par l’assuré : votre garantie en dépend
Outre le paiement des primes ou cotisations d’assurance, l’assuré est légalement tenu d’une obligation essentielle : déclarer son sinistre à l’assureur dans un certain délai (1), même si d’autres obligations peuvent être contractuellement prévues par l’assureur, par exemple, en cas de vol, l’assuré doit déposer une plainte auprès des services de police ou de gendarmerie. Cette obligation de déclaration dans un délai déterminé, si elle n’est pas respectée, peut entraîner une lourde sanction pour l’assuré : la déchéance de ses droits à être garanti par sa compagnie d’assurance… Soyez donc extrêmement vigilent !
L’obligation de déclaration du sinistre
Le sinistre se définit comme la réalisation du risque garantie par un contrat d’assurance valable en cours d’exécution. Ainsi, en assurance de responsabilité, le sinistre est déterminé par la réalisation du dommage causé à la victime par l’assuré, qui s’avère alors responsable, débiteur de l’indemnisation.
L’obligation de déclaration du sinistre s’analyse comme l’obligation légale la plus importante de l’assuré, elle est générale et s’applique à tous les contrats d’assurance, sauf dans le cas de l’assurance vie où le sinistre doit être déclaré à l’assureur dès que possible, sans qu’il y ait de délai minimum et de déchéance attachée. L’article L 113-2 4° du Code des assurances, remanié par l’article 10 de la Loi du 31 décembre 1989, énonce les obligations de l’assuré en cas de sinistre :
« Donner avis à l’assureur, dès qu’il en a eu connaissance et au plus tard dans le délai fixé par le contrat, de tout sinistre de nature à entraîner la garantie de l’assureur. Ce délai ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés.
Ce délai minimal est ramené à deux jours ouvrés en cas de vol et à vingt-quatre heures en cas de mortalité du bétail.
Les délais ci-dessus peuvent être prolongés d’un commun accord entre les parties contractantes.
Lorsqu’elle est prévue par une clause du contrat, la déchéance pour déclaration tardive au regard des délais prévus au 3° et au 4° ci-dessus ne peut être opposée à l’assuré que si l’assureur établit que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice. Elle ne peut également être opposée dans tous les cas où le retard est dû à un cas fortuit ou de force majeure.
Les dispositions mentionnées aux 1°, 3° et 4° ci-dessus ne sont pas applicables aux assurances sur la vie. »
Objet et forme de la déclaration :
Sur la forme : aucune forme n’est imposée pour effectuer une déclaration de sinistre, l’assuré peut utiliser téléphone, déclaration verbale, ou une simple lettre, néanmoins il est toujours utile de se réserver une preuve de sa déclaration, une lettre recommandée avec demande d’avis de réception est donc préférable et fortement conseillée.
En outre, dans certains domaines très particuliers, notamment en assurance construction, l’assuré est tenu de déclarer son sinistre à l’assureur dommage-ouvrage par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par écrit contre récépissé, la déclaration par télécopie ne permettant pas de faire courir le calendrier contraignant de la procédure amiable d’indemnisation ( Civ. 3ème, 6 juin 2012, n°11-15.567, F-PB).
La déclaration de sinistre peut être faite par l’assuré lui-même, ou par un tiers dès lors qu’il agit pour le compte de l’assuré (Civ. 2ème, 8 mars 2012, n°11-15.472, rendu au visa des articles 1134 du Code civil, L113-2 et A 125-1 du Code des assurances, précisant que la déclaration de sinistre peut être valablement faite par un tiers (en l’espèce, assureur de protection juridique) pour le compte de l’assuré).
Sur l’objet : l’obligation de déclaration est essentielle et nécessaire afin que l’assureur soit rapidement en mesure d’évaluer et supporter le poids du sinistre mais aussi de se défendre, le cas échéant.
Délais de déclaration :
En droit commun, l’assuré dispose d’un délai de 5 jours pour déclarer le sinistre. En revanche, ce délai peut toujours être prolongé d’un commun accord entre l’assureur et l’assuré. Cependant, il existe des exceptions relatives à ce délai notamment :
-> En cas de vol du véhicule : le délai de déclaration est de 2 jours ouvrés.
La sanction du défaut de déclaration : la déchéance
La déchéance est une sanction prévue par le Code des assurances à l’article L112-4. La jurisprudence définit cette notion comme la perte d’un droit. De ce fait, dans l’hypothèse où l’assuré n’a pas rempli son obligation de déclarer le sinistre dans les délais prévus, il encourt la déchéance de ses droits et ainsi il ne percevra pas sa garantie.
La Cour de cassation distingue les notions d’exclusion de garantie et de déchéance autour de la notion de sinistre : l’exclusion ne concerne que ce qui précède le sinistre, alors que la déchéance ne peut survenir qu’en cas de défaillance de l’assuré postérieurement à la déclaration de sinistre (C iv. 3ème, 17 octobre 2007, n° 06-17.608). La déchéance s’analyse donc en la perte du droit à garantie par l’assureur à l’encontre d’un assuré qui n’a pas exécuté ses obligations en cas de sinistre. Par conséquent, si l’assuré ne déclare pas son sinistre dans le délai contractuellement prévu, son assureur peut légitimement refuser de prendre en charge son sinistre et ses conséquences.
Les conditions de la déchéance
La déchéance est une sanction conventionnelle : Pour être valable, la déchéance doit avoir été contractuellement prévue par les parties au contrat (Civ. 1ère, 26 février 1980, n°78-15.824), elle doit donc être insérée dans le contrat d’assurance par une clause, rédigée de manière claire et non équivoque et en caractères très apparents afin d’être opposable à l’assuré.
La déchéance est la perte du droit à garantie pour l’assuré: la déchéance suppose qu’il y ait eu un sinistre, qui est la réalisation du risque prévu par le contrat d’assurance, assorti d’une obligation de garantie de l’assureur. L’assuré avait donc bien un droit à garantie et la déchéance consiste en la perte de ce droit en sanction des fautes commises après le sinistre par l’assuré.
Il s’agit donc de la sanction de l’inexécution des obligations de l’assuré après le sinistre.
L’objet des clauses de déchéance : cette sanction étant conventionnelle, le législateur a encadré sa licéité en la limitant à trois hypothèses :
– En cas de retard dans la déclaration du sinistre à l’assureur ;
Il n’existe pas de distinction de mise en œuvre en cas d’assuré de bonne foi ou de mauvaise foi. Ainsi toutes les déclarations tardives peuvent potentiellement être sanctionnées par la déchéance.
– En cas de retard dans la déclaration des aggravations du risque à l’assureur ;
– En cas de surévaluation frauduleuse des pertes liées au sinistre (Civ. 2ème, 3 novembre 2011, n°10-30.876, l’assureur doit se fonder sur des motifs suffisants afin de caractériser une exagération frauduleuse de la déclaration par l’assuré du montant des dommages subis suite au sinistre, entrainant la déchéance de garantie).
Les conditions de validité des clauses de déchéance :
Conditions de forme :
– La clause de déchéance doit être spéciale, claire et précise. En effet, une clause ambiguë ou équivoque sera interprétée par les juges du fond en faveur de l’assuré (Civ. 2ème, 15 décembre 2011, n°10-26.983, en présence d’une clause ambigüe le contrat doit être interprété dans le sens le plus favorable à l’assuré) ;
– De plus, selon les termes de l’article L 112-4 dernier alinéa du Code des assurances, pour être valable, cette clause de déchéance doit être insérée dans le contrat d’assurance en caractères très apparents, afin que l’attention de l’assuré soit spécialement attirée sur le risque de déchéance (Civ. 1ère, 9 mai 1994, n°92-12.990).
Condition de fond :
L’assureur ne peut invoquer la déchéance pour déclaration tardive que s’il établit que celle-ci lui a causé un préjudice.
Par ailleurs, l’assureur ne peut l’invoquer lorsque le retard de déclaration de sinistre par l’assuré est dû à un cas fortuit ou un cas de force majeure.
Les effets de la déchéance
Les effets dans les rapports entre l’assureur et l’assuré :
L’assuré perd son droit à garantie pour le sinistre survenu. Mais ce droit à garantie n’est perdu que pour le sinistre à propos duquel le sinistre est survenu, pour le reste, le contrat demeure valable et est maintenu.
Les moyens de défense de l’assuré :
Il en existe deux :
– La renonciation de l’assureur à invoquer la déchéance, cette renonciation doit être non équivoque mais elle peut être expresse ou tacite, en effet, elle peut s’induire du comportement de l’assureur ;
– La force majeure empêchant l’assuré de remplir ses obligations.
Les effets à l’égard des tiers
La déchéance est opposable au tiers en principe.
Mais en assurance de responsabilité, la déchéance est inopposable aux tiers et donc aux victimes, et ce selon les termes de l’article R124-2 du Code des assurances. C’est le cas en matière de responsabilité automobile comme nous avons déjà eu l’occasion de le préciser dans d’autres articles de ce blog auquel nous renvoyons.