Conduite et cannabis : une affaire de précision

Conduite et cannabis : une affaire de précision

La lutte contre la conduite après usage de stupéfiants constitue, au même titre que l’alcool au volant, une priorité pour les autorités. Ainsi, en 2013, le ministère de l’intérieur a recensé 148.209 condamnations délictuelles pour alcool au volant contre 32.244 en matière de stupéfiants.

Ce chiffre ne devrait cesser d’augmenter avec la généralisation programmée des prélèvements salivaires destinés à remplacer le traditionnel prélèvement sanguin plus couteux et moins rapide. L’article L235-1 du code de la route prohibe et sanctionne ce comportement. Il dispose en effet que « Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu’il résulte d’une analyse sanguine qu’elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d’emprisonnement et de 4500 eu282ros d’amende ». Lorsque l’alcool est mélangé aux stupéfiants, les peines sont plus sévères : trois ans d’emprisonnement et 9.000 € d’amende. Il s’agit là des peines maximales qui ne sont en pratique jamais prononcées sauf dans les cas où le fautif est à l’origine d’un accident grave. En plus de ces peines, le permis est le plus souvent suspendu. Le fait que la procédure suivie pour contrôler les stupéfiants au volant passe encore aujourd’hui par l’étape du prélèvement et de l’analyse du sang est un facteur de complexité qui peut profiter à la défense de l’automobiliste. Aussi n’est-il pas inutile d’évoquer deux problèmes très fréquemment rencontrés dans les dossiers.

LE SERMENT DU MEDECIN ET DU BIOLOGISTE

L’article 60 du code de procédure pénale impose à tout professionnel,  extérieur à la police et requis par celle-ci pour l’aider à prouver l’existence d’une infraction, de prêter le serment d’apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience, sauf lorsque le technicien figure sur une liste d’expert établie par les cours d’appel. En matière de stupéfiants au volant, deux praticiens sont systématiquement appelés à contribuer aux poursuites en raison de leur expertise : un médecin qui prélève le sang en présence de l’officier de police judiciaire et un biologiste qui analyse les deux flacons étiquetés et scellés. Si l’un des deux praticiens oublie de prêter serment, par écrit, alors qu’il n’est pas inscrit sur la liste des experts judiciaires, la procédure de vérification de la présence de stupéfiants dans le sang sera annulée. Il s’agit d’un vice de forme fréquent d’autant plus intéressant qu’il ne peut pas faire l’objet de régularisation. Si cet argument n’est sujet à aucune discussion, tel n’est pas le cas du moyen qui consiste à mettre en avant le fait que le conducteur n’était pas sous l’influence de stupéfiants au moment où il conduisait.

LE SEUIL MINIMAL DE DETECTION

Il arrive souvent que les personnes soumises à un contrôle de stupéfiants soient positives au test salivaire préalable à la prise de sang soit parce qu’elles ont fumé un joint la veille du contrôle soit parce qu’elles fument régulièrement du cannabis. Ces personnes méritent-elles pour autant d’être condamnées pour conduite après usage de stupéfiants ? Certains juges ont affirmé qu’en droit, seule la présence dans le sang du principe actif du cannabis, le THC, peut être sanctionnée. Ils se fondent sur un arrêté ministériel du 5 septembre 2001 modifié le 24 juillet 2008 qui prévoit un seuil minimal de détection des cannabiniques : 1 nanogramme par millilitre de THC dans le sang. Il est vrai qu’avant la loi du 3 février 2003, seule la conduite sous l’influence de stupéfiants était sanctionnée. Depuis cette loi, le simple usage est puni. La Cour de cassation a de son côté réaffirmé, dans un arrêt du 14 octobre 2014, que la seule présence de substances cannabiniques dans l’organisme suffit pour caractériser l’infraction prévue et réprimée par l’article L235-1 du code de la route. Reste à savoir si cette jurisprudence ne confond pas l’usage de stupéfiants au volant et l’usage de stupéfiants prévu et réprimé par l’article L3421-1 du code de la santé publique.